L’harmonium du notaire Girouard

Rares sont ceux qui savent que le notaire de Saint-Benoît Jean-Joseph Girouard, député patriote du comté des Deux-Montagnes, était un mélomane. L’histoire dont il est question nous est relatée par la seconde épouse de Girouard, Émilie Berthelot, fille du notaire Joseph-Amable Berthelot de Saint-Eustache.

C’est plus précisément dans ses notes personnelles que la jeune femme nous divulgue cette histoire. À son arrivée à Saint-Benoît en 1851, en tant qu’épouse du notaire patriote, Girouard était propriétaire d’un bel orgue harmonium, l’« un des trois venus en ce pays en 1844 » au coût de 100 £ sans compter les frais de transport de la France au Canada.

En parlant de cet instrument de musique, Émilie Berthelot affirme que « comme il était en bois rose, il ne put résister au changement de climat et le bois travaillant beaucoup, il se dérangea plusieurs fois, ce qui lui [Girouard] fit désirer d’en avoir un autre, car il ne pouvait se passer de musique.

Girouard rencontra ensuite un certain L. H. Toupin, en visite au Canada, qui voulut bien « se charger de lui acheter un nouvel instrument à son retour en France, avec la recommandation de le faire en bois de noyer, ce qui fut exécuté ». Après le décès de Girouard à l’automne de 1855, Mme Berthelot reçu en janvier 1856 la nouvelle que l’harmonium était arrivé à Montréal.

Dans son journal, Émilie Berthelot écrit plus loin : « Le petit orgue venu de France n’ayant pas d’usage ici, j’eus l’idée de le prêter pour la chapelle du couvent, afin qu’il pût s’utiliser en donnant de la solennité à nos petites fêtes, il fut donc transporté dans le jubé, où il fait bien son devoir ». Joseph Girouard, son fils, lui demandait fréquemment : « Mais est-ce que je n’aurai rien, moi, de ce qui a appartenu à mon père? De grâce, donnez-moi donc en propre, ce petit instrument, qu’il a peut-être fait venir à mon intention puisque alors en cette année [de] mai 1855, j’avais toujours bien quatorze mois, et bon envie de vivre ». Ce que sa mère lui répondit : « Ce n’est que juste, cher enfant, et sans doute je te le donne puisque tu as le sentiment de ton droit de fils aîné ».

En 1857, Émilie Berthelot vendu « l’orgue mélodieux » au curé de la paroisse de Pointe-Claire, M. Pominville pour la somme de 50 £ ; montant qu’elle se servira pour procurer un piano à sa fille Perpétue, alors âgée de cinq ans et demi, qui commença à prendre des leçons parallèlement à ses études au couvent de Sainte-Scholastique.

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Je prends un moment pour souhaiter aux lecteurs un bel été sous le soleil. Au moment d’écrire ces lignes, je vois encore ces jeunes manifester dans les rues de la métropole en arborant, ça et là, des carrés verts, des carrés blancs ainsi que des carrés rouges. Comme quoi les couleurs des patriotes de 1837-1838 mobilisent, encore inconsciemment peut-être, l’imaginaire québécois.

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