Le Bas-Canada : 34e État américain ?

Le modèle américain a toujours fasciné les esprits libéraux canadiens-français et ce, malgré l’échec diplomatique de 1837-1838 et la présence d’un régime esclavagiste dans le sud des États-Unis. Le parlementarisme bas-canadien issu de la monarchie constitutionnelle britannique a ses défauts. Pour cette raison, le leader patriote Louis-Joseph Papineau fait souvent référence dès 1830 à la grandeur de la république américaine qui possède un Sénat élu, contrairement au Bas-Canada dont les conseillers législatifs sont toujours nommés par le gouverneur, représentant officiel de la Couronne anglaise.

Le concept d’annexion aux États-Unis est relativement présent dans la presse libérale des années 1830. On l’observe beaucoup plus dans les années 1840, surtout après « l’échec de la stratégie du rappel de l’Union et de la réforme parlementaire » et « l’abolition en 1846 des lois protectionnistes anglaises sur les céréales coloniales qui plaçait le Bas-Canada sur un pied de concurrence avec n’importe quel pays exportateur de céréales », et sans compter l’adoption à la mi-mars 1849 de la loi d’indemnisation des habitants ayant subis des dommages à leurs biens et propriétés lors des événements de 1837-1838. Cette tendance annexionniste s’exprime notamment dans les journaux tels L’Avenir, Le Canadien indépendant et Le Moniteur canadien.

C’est d’ailleurs dans Le Moniteur canadien que Denis-Benjamin Viger, un penseur patriote de la première heure, rédige en 1849 un texte fort intéressant dans lequel il manifeste son admiration du modèle étatsunien tout en relevant trois raisons de ne pas croire en l’annexion du Bas-Canada aux États-Unis. En premier lieu, l’Angleterre ne veut pas abandonner sa colonie. En second lieu, les États-Unis ne sont pas intéressés par le Canada, surtout ceux du Sud qui voient la province britannique comme anti-esclavagiste. Et en dernier lieu, « l’exemple louisianais, avec l’imposition par les États-Unis de l’anglais, d’un autre système juridique et de l’égalité des cultes, ne peut être garant de la conservation de la nationalité canadienne-française ».

Tout comme Étienne Parent, Viger croit que l’Angleterre pourrait un jour concéder à sa colonie « une indépendance plus complète sous sa protection, chose qui serait dans les règles d’une saine politique puisqu’elle serait fondée sur leur avantage réciproque ».

En octobre et décembre 1849, deux manifestes annexionnistes sont rédigés. Les signataires sont toutefois peu nombreux et surtout issus de l’Institut canadien de Montréal et du journal L’Avenir. De plus, Louis-Antoine Dessaules donne six conférences sur le sujet entre les mois d’avril 1850 et mai 1851. À vrai dire, plusieurs libéraux sont prêts « à faire le sacrifice de la nationalité sur l’autel de l’annexion ». Au dire de l’historien Yvan Lamonde, cette « logique du désespoir » promouvoit une préférence à l’annexion aux États-Unis plutôt qu’au Canada anglais. En réalité, l’idée d’un « Bas-Canada : 34e État américain », n’a jamais eu beaucoup d’assise au sein de la population bas-canadienne.

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