Charles Laplante dit Champagne : le boulanger du camp armé

Charles Laplante dit Champagne naît et est baptisé à Saint-Eustache le 30 janvier 1807. Il est le fils de Louis Laplante dit Champagne et de Marguerite Ouimet. Il épouse Christine Andegrave dite Champagne à Saint-Eustache le 23 janvier 1826. Puis, lors du recensement de 1842 à Saint-Eustache, Champagne est boulanger sur la Grand-rue (actuelle rue Saint-Eustache) et a 6 personnes à sa charge. En 1862, le cadastre du village de Saint-Eustache nous confirme qu’il possède toujours son lopin de terre sur la rue Saint-Eustache. Il en va de même en 1877 où le Lovell affirme qu’il y est toujours cultivateur en ce lieu.

L’implication de Champagne dans la résistance de 1837 est assez inusitée. D’abord, il faut dire d’entrée de jeu qu’il est jugé « compromis » dans les troubles par le curé Jacques Paquin dans son fameux Tableau politique.

Le 18 décembre 1837, Champagne réalise un affidavit qui nous explique son rôle dans la rébellion. Se disant aubergiste à Saint-Eustache, il affirme que le 7 décembre précédent, Amury Girod, nouvellement désigné général des insurgés au nord de Montréal, est venu chez lui pour lui interdire de vendre de la boisson à qui que ce soit. Il affirme par ailleurs que le docteur Chénier l’aurait obligé à produire du pain afin de subvenir aux besoins des insurgés de Saint-Eustache. En ce sens, Champagne confirme avoir réalisé environ 400 pains! Pour cette raison, il peut être qualifié à juste titre de boulanger du camp armé de Saint-Eustache.

Lorsque débute la confrontation au village le 14 décembre 1837, Champagne est toujours occupé à cuire du pain, « mais vu le tumulte, il met un cheval sur une traîne » et se sauve à une certaine distance du village. Après avoir fait plusieurs détours, il se retrouve devant plusieurs soldats. Il sort aussitôt de sa voiture et se cache rapidement dans un bas fond avec quelques compagnons, mais non sans avoir reçu une salve de fusils.

C’est à ce moment que notre individu est constitué prisonnier et fort probablement enfermé avec plusieurs autres dizaines d’hommes dans le hangar de pierres d’Émery Féré situé jadis à l’angle des actuelles rues Saint-Eustache et du Moulin, puis conduit à la prison du Pied-du-Courant à Montréal le 17 décembre suivant. Il est donc incarcéré pour haute trahison du 17 au 27 décembre selon le registre de la prison de Montréal en 1837.

Après le passage des troupes anglaises et des volontaires de John Colborne, Champagne réclame la somme de 28 £, 10 sols et 2 deniers aux autorités dans un document réalisé le 13 janvier 1846 et présenté à Joseph-Guillaume Barthe, secrétaire de la Commission des pertes en 1837-1838 et ce, pour les dommages encourus à ses propriétés. Il réclame notamment les effets suivants : un coffre, deux paires culottes, deux chemises, une paillasse, une armoire, une marmite, un chaudron, douze verres, plusieurs denrées alimentaires (bœuf, avoine, foin), six cordes de bois et six vitres cassées par des officiers. Quoi qu’il en soit, les autorités jugent que le réclamant ne peut avoir droit à l’indemnité en vertu de la loi puisqu’il se trouvait au village de Saint-Eustache le jour du feu. En conséquence, il n’aura aucunement droit à la dite indemnité.

En 1848, Champagne dit Laplante est conseiller au sein du premier conseil de ville de la municipalité de Saint-Eustache aux côtés de Grégoire Féré, Louis Dion, William Leclair, Louis Ouimette et Donald McNaughton. Le maire étant à ce moment le notaire Frédéric-Eugène Globensky.

Le 23 novembre 1852, Charles Champagne dit Laplante appose son nom sur une pétition des paroissiens de Saint-Eustache afin d’empêcher le départ du curé Hyppolite Moreau.

Le boulanger du camp armé qu’était Charles Laplante dit Champagne décède vraisemblablement à Saint-Eustache le 22 février 1894 à l’âge de 87 ans. Il est inhumé en ce lieu quatre jours plus tard, sous les offices du curé Louis-Ignace Guyon et devant les témoins suivants : M. le juge Charles Champagne, Zéphirin Champagne, cultivateur, et Cyrille Champagne, notaire publique.

Références :

Archives de l’évêché de Saint-Jérôme.

BAC, recensement de 1842, Comté du Lac des Deux-Montagnes, paroisse Saint-Eustache, bobine C-728.

BAC, Feddocs, Lower Canada Rebellion looses claims 1837-1855, Project no 19-2, RG 19, series E-5-B (R200-113-0-F), volume 5482, no 190 ; volume 3796, no 2626, p. 685 ; volume 3796, no 656, p. 870-871 ; volume 3769, no 656 ; volume 3788, no 1326 et no 568.

BAnQ, « Documents relatifs aux événements de 1837-1838 », Fonds Ministère de la justice, M-165-2, no 788, déposition de Charles Champagne dit Laplante contre le docteur Jean-Olivier Chénier et Amury Girod, 18 décembre 1837.

BAnQ, « Documents relatifs aux événements de 1837-1838 », Fonds Ministère de la justice, M-165-5, no 3091, Registre de la prison de Montréal en 1837-1838.

Archives de la Ville de Saint-Eustache, Cadastre du village de Saint-Eustache en 1862.

AUBIN, Georges et Nicole Martin-Verenka, Insurrection. Examens volontaires, Tome 1, 1837-1838, Montréal, Lux Éditeur, 2004, 318 p.

BERTRAND, Gilles, Analyse des structures sociales et des groupes dominants dans le village de Saint-Eustache (1850-1880), Mémoire de M. A. (Histoire), Université du Québec à Montréal, août 1977, 108 p.

Lovell, Directoire de Saint-Eustache, 1877.

PAQUIN, Jacques, collection privée de Claude-Henri Grignon : Les Promotions du Patrimoine des Laurentides Inc. Tiré de La Revue des Deux-Montagnes, « Tableau politique… », no 5, octobre 1996, p. 43-65.

Université de Montréal, Collections spéciales, Collection canadiana de Louis Melzack, Manuscrits 1835-1850, cote MZmz016, document no 18.

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