L’empoisonnement d’Amédée Papineau : mythe ou vérité

Le sujet nous était déjà connu, mais la publication récente (14 février dernier) de deux articles de Rue Frontenac (www.ruefrontenac.com), par le biais de son journaliste Mathieu Bélanger, nous a poussé à élaborer sur le sujet. Effectivement, les circonstances de la mort du fils aîné de l’illustre tribun canadien-français demeurent nébuleuses. Mais qui était d’abord Amédée Papineau ?

Il naît à Montréal, rue Bonsecours, le 26 juillet 1819. Sa mère est Julie Bruneau et son père nul autre que Louis-Joseph Papineau, député et orateur à la Chambre d’assemblée du Bas-Canada, aussi mieux connu comme le chef de la rébellion des patriotes en 1837. Au moment des troubles politiques, le jeune Papineau s’illustre au sein de l’Association des Fils de la Liberté. Il vit ensuite en exil aux États-Unis dans les années qui suivent.

À 27 ans, il épouse à Saratoga Springs (New York) Mary Westcott. En 1890, après le décès de cette dernière, il convole en secondes noces avec Martha Jane Iona Cullen en 1896. Il abjure alors sa foi catholique et adopte définitivement la foi presbytérienne. C’est en son manoir familial de Montebello qu’il s’éteint le 23 novembre 1903, à l’âge de 84 ans. L’histoire débute là !

« Plus de 70 ans après la mort d’Amédée, de dire le journaliste de Rue Frontenac, une vieille dame du village, âgée de 86 ans, fait une confidence qui fait rapidement le tour de la province. Amédée Papineau a été empoisonné. Le doute s’installe chez les historiens. La controverse autour de l’homme, presbytérien, considéré comme l’un des plus importants libres penseurs du XIXe siècle, nourrit le mythe. » Il faut se remettre en contexte. Durant toute sa vie, et surtout vers la fin, Papineau a toujours été à l’encontre de tout s’exposant ainsi aux préjugés de tous. Apostasié, marié à une Américaine, ayant ensuite des enfants élevés en anglais, bref, tout ça sème un doute raisonnable.

« Comment ne pas soupçonner sa deuxième femme, Iona Papineau, de 53 ans sa cadette, d’avoir voulu se débarrasser de son riche et vieux mari afin de se donner corps et âme à son amant ? C’est ce que laissera entendre en 1979 Anne-Marie Barolet, fille du médecin qui se rendit au chevet d’Amédée Papineau le soir de sa mort. » Des historiens ont par la suite tenté avec ou sans succès de pousser (ou mousser ?) l’affaire. Le plus sérieux de ceux-là est Raymond Ouimet qui dévoile les détails de ses recherches dans son ouvrage Crimes, mystères et passions oubliés (Éditions Vents d’Ouest).

En 1892, la jeune Iona, alors âgée de 22 ans, devient fille de table au manoir de Montebello. Amédée tombe rapidement amoureux de la jeune femme, mais en raison de leur différence d’âge, il la présente plutôt comme sa fille adoptive. Le secret est plus difficile à garder alors que cette dernière tombe enceinte en juin 1896. En avril 1897, le couple unit sa destiné en secret, à New York. Neuf mois plus tard, un pasteur bénit finalement l’union du couple au manoir de Montebello. C’est à ce moment que l’héritier Papineau modifie substantiellement son testament.

« D’autres enfants naîtront de cette union, mais les absences répétées d’Iona, qui se rend régulièrement sans son mari à Long Island, Montréal et Rivière-du-Loup, alimentent la machine à rumeurs. […] Le soir du 23 novembre 1903, Amédée Papineau agonise. Dans la soirée, il demandera à son médecin, Louis-Joseph Barolet : « Pourquoi cette piqûre ? » Le médecin, qui ne croyait qu’à un malaise gastrique et qui s’était absenté quelques minutes, est surpris de la question parce qu’il ne lui a rien administré. Amédée rendra l’âme dans l’apparente indifférence de ses proches, entouré seulement du Dr Barolet et de son cocher. Le rapport du médecin est pour le moins confus. Officiellement, Amédée Papineau est mort d’une « faiblesse cardiaque gastro-intestinale ». Aucune autopsie n’est pratiquée sur la dépouille d’Amédée Papineau. Il est d’ailleurs l’un des 10 premiers individus à se faire incinérer au Canada. Cette nouvelle façon de procéder à l’égard des cadavres a été longtemps perçue comme étant un moyen de dissimuler les réelles preuves de sa mort.

« Qui donc a fait cette injection ? De demander le journaliste de Rue Frontenac. Y a-t-il vraiment eu une injection ou n’étaient-ce que les propos d’un malade à l’agonie ? Il aura fallu attendre trois quarts de siècle avant d’avoir un nouvel éclairage sur cette affaire. »

Dans les faits, Papineau est décédé de sa belle mort et son épouse du moment, Iona Papineau, n’avait aucune raison valable d’achever son mari. D’après l’historien Raymond Ouimet, cette dernière était d’ailleurs loin de se morfondre au manoir Papineau. Elle était libre, voyageait beaucoup et avait pas mal d’argent. Pour ce qui est de l’homme qu’elle épousa trois ans après la mort de Papineau, rien ne prouve aujourd’hui qu’elle l’ait eu comme amant pendant sa cohabitation avec Papineau. De plus, elle n’était pas légataire universelle des avoirs de son mari. L’argent n’était donc pas un mobile sérieux puisqu’à son décès, Papineau lègue la majeure partie de ses biens à ses enfants. En ce qui a trait l’incinération, il faut savoir que c’est Amédée lui-même qui réclame la chose dans son testament. « La thèse du camouflage de preuves ne tient donc pas » de dire l’historien.

Du côté du médecin impliqué dans l’affaire, il « n’a jamais semé le doute, dans aucun document officiel, sur la mort d’Amédée Papineau. En tant que médecin, il était de sa responsabilité d’émettre des doutes s’il en avait eu, ce qui n’a jamais été fait, ni au moment de la mort de son patient ni dans les années suivantes. L’empoisonnement d’Amédée Papineau ne serait donc qu’un mythe persistant.

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