Le chouayen

Le terme dont il est question cette semaine est particulier du fait qu’il est très utilisé lors des troubles de 1837-1838. Il désigne tout Canadien français opposé à la cause patriote. Bref, un chouayen est ni plus ni moins qu’un transfuge canadien, un traître, un vire-capot en soit, un Canadien français partisan du clan constitutionnel, bureaucrate et loyaliste.

L’appellation a toutefois des racines profondes encrées dans la vieille Europe. Elle est utilisée au temps de la Révolution française, le terme Chouans désigne en fait les paysans royalistes du Maine et de Bretagne qui prirent les armes contre la première République française. Cette nomination particulière leur vint du sobriquet d’un de leur chef royaliste et ancien faux saunier, Jean Cottereau dit Chouan.

En Amérique, le qualificatif, comme le souligne l’historien Gérard Filteau, a un sens sarcastique évocateur. D’après ce dernier, « on s’en était servi au temps de Montcalm comme un terme de dérision pour désigner certains soldats qui avaient flanché à la prise du fort Chouaguen, prononcé Chouayen par le peuple. Les Chouayens étaient fort peu nombreux. Les patriotes les haïssaient davantage encore que les plus fervents bureaucrates ».

Quant à lui, l’historien Fernand Ouellet désigne les Chouayens comme des membres des professions libérales plus ou moins liés à l’administration ou aux milieux d’affaires qui s’opposent au « Parti canadien ».

Dans son journal, Amédée Papineau définit ce qu’est à ses yeux une chouayen : « Bureaucrate ami du pouvoir, antipatriote à l’époque de 1837-1838. Ce nom aurait été donné à une partie du faubourg Saint-Louis, dont les habitants votaient pour le gouvernement. Le mot vient du fort Chouägen (Oswego, N. Y.) pris par le marquis de Montcalm aux Anglais en 1756 ».

Certains individus, jadis considérés comme étant des patriotes modérés, ont quitté le Parti de Papineau au moment du dépôt en Chambre des 92 Résolutions marquant par le fait même leur désapprobation en la radicalisation du mouvement réformiste qui s’effectue. Plusieurs noms nous viennent évidemment en tête lorsque l’on pense à des chouayens bien connus. Pensons notamment aux frères Charles-Elzéar et Dominique Mondelet, Austin Cuvillier, François-Auguste Quesnel, Pierre-Édouard Leclère, Pierre-Dominique Debartzch, Clément-Charles Sabrevois de Bleury ou François-Roch de Saint-Ours.

À Saint-Eustache, il va de soit que les familles Lambert-Dumont, De Bellefeuilles et Globensky furent considérées comme étant chouayennes, puisque étant des familles canadiennes-françaises opposées au mouvement patriote.

Références :

FILTEAU, Gérard. Histoire des Patriotes. Québec, Septentrion, 2003. 630 pages. Introduction de Gilles Laporte. Édition originale parue en 1938.

GREER, Allan. Habitants et Patriotes. La Rébellion de 1837 dans les campagnes du Bas-Canada. Montréal, Boréal, 1997, édition originale publiée par University of Toronto Press sous le titre de The Patriots and the People en 1993. 370 pages.

OUELLET, Fernand, Histoire économique et sociale du Québec 1760-1850 : structures et conjonctures, Préface de Robert Mandrou, Montréal, Éditions Fides, 1966.

PAPINEAU, Amédée. Journal d’un Fils de la Liberté 1838-1855. Québec, Septentrion, texte établi avec introduction et notes par Georges Aubin, 1998. 957 pages.

Laisser un commentaire