L’héritage bureaucrate de la future avenue Robert-Bourassa

Le sujet de la semaine nous a été inspiré par notre collègue historien Gilles Laporte dans son vaste site Internet portant sur les rébellions de 1837-1838. Nos lecteurs ont probablement entendu parler de l’éventuel changement de nom de l’avenue du Parc et de Bleury, à Montréal, pour l’avenue Robert-Bourassa et ce, en commémoration du dixième anniversaire du décès de l’ancien premier ministre du Québec.

L’avenue du Parc, au sud du boulevard Sherbrooke jusqu’à Notre-Dame, se nomme de Bleury; le tout attribuable aux nombreuses fusions municipales qui s’échelonnent au XXe siècle. La nomenclature de l’avenue du Parc n’est pas en cause ici. Il en va autrement de la rue de Bleury qui est chargée d’histoire en lien avec les rébellions de 1837-1838. Mais avant tout, qui est donc de Bleury ?

Le nom fait ici référence à Clément-Charles Sabrevois de Bleury (1798-1862). Né à Sorel, de Bleury joue un rôle central au sein de la mobilisation « anti-patriote » entre 1835 et 1839. Élevé dans un milieu conservateur, anglican et loyaliste, il fait des études au collège de Montréal (1809-1815), puis est admis au barreau en 1819. Brillant avocat, il est élu sous la bannière du Parti patriote dans le comté de Richelieu en 1832. Après avoir appuyé les 92 Résolutions, il se dissocie du radicalisme de Papineau et rejoint ainsi les modérés John Neilson, Andrew Stuart, Austin Cuvillier et Pierre-Dominique Debartzch. Considéré dès lors comme un chouayen (Canadien français « vire-capot » à la cause patriote), il est littéralement pendu en effigie dans son comté où il est aussi surnommé « sabre de bois ». En avril 1837, il fonde aussi Le Populaire, un journal constitutionnel virulent. De Bleury est par la suite nommé au Conseil législatif (1837-1838). En 1839, il signe une Réfutation de l’histoire de l’écrit de Louis-Joseph Papineau… dans laquelle il dénonce violement son ancien collègue.

Donc, un personnage fort important dans l’histoire insurrectionnelle. Bref, nous espérons que la Ville de Montréal conservera la rue de Bleury sous nom actuelle. Dans son site Internet, l’historien Gilles Laporte conclue en ces termes : « En acceptant de revenir sur sa décision et de conserver son nom actuel à la portion sud de l’avenue du Parc, la ville de Montréal ferait donc preuve d’une grande sagacité. C’est vrai, cela fera en sorte que l’avenue Robert-Bourassa ne croisera jamais la rue René-Levesque. Mais n’est-ce pas là justice ? Les deux hommes d’État n’ont-ils pas passé leur carrière à chercher à s’éviter ? »

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