L’assemblée réformiste du 21 juin 1832

Le comté des Deux-Montagnes a toujours été un précurseur autant dans ses revendications politiques que dans ses propres actions politiques.

Le contexte sociopolitique lors duquel est organisé ce rassemblement est particulier. Un mois jour pour jour avant celle-ci se tient l’historique élection du Quartier-Ouest de Montréal, lors de laquelle le candidat irlandais patriote Daniel Tracey, éditeur du Vindicator, est élu. De plus, l’année 1832 est marquée au fer rouge par la fameuse épidémie de choléra qui commence alors à sévir un peu partout en province.

C’est un peu dans cet état d’esprit que les plus éminents citoyens du comté des Deux-Montagnes décident de se réunir à Saint-Benoît le 21 juin 1832, à onze heures du matin, principalement afin de protester contre les spéculations anglaises sur les terres du pays.

Quelques jours avant le vaste rassemblement, on affiche l’annonce suivante dans les deux langues :

Les principaux citoyens de ce comté sont priés de s’assembler, jeudi, le 21 du présent mois de juin, à onze heures du matin, à la porte de l’église de la paroisse de Saint-Benoît, aux fins de convenir des moyens les plus efficaces pour prévenir le monopole, l’agiotage et tout système exclusif au sujet de l’établissement des terres incultes en cette province et obtenir un mode de concession facile et avantageux à la population du pays. Juin 1832. Signé : James Brown, W. G. Blanchard, Abner Rice, Moses Davis, W. H. Scott, J. Barcelo, A. Dumouchel, J.-B. Dumouchel, J.-A. Berthelot, J.-B. Laviolette, J.-O. Chénier, J.-J. Girouard, R.-O. T. de Montigny, Émery Féré, Guillaume Prévost, Michel Fournier.

L’assemblée est présidée par le notaire de l’endroit et député de la circonscription, Jean-Joseph Girouard, l’un des signataires de l’invitation. On y adopte 34 résolutions dénonçant le favoritisme des autorités coloniales dans l’octroi des terres, la spéculation de quelques propriétaires fonciers et les réserves du clergé anglican et des écoles anglaises.

On crée aussi un comité de 30 membres, choisis dans toutes les paroisses du comté, afin de veiller aux intérêts de la province, le tout, conformément aux mesures prises en 1827. Voici les noms de ces membres : Grenville : Laurent Charlebois et Edward Pridom ; Chatham : Jacob Schagel et John Ostrom ; Argenteuil : William George Blanchard, Charles Benedict, James Brown, Moses Davis, Édouard-Alexis Montmarquet et Thomas Barron ; Sainte-Scholastique : René-Ovide Testard de Montigny, Augustin Dumouchel, Daniel Phelan, Michael Sexton, Guillaume Prévost et Basile Piché ; Saint-Benoît : Jean-Baptiste Dumouchel, Ignace Raizenne, Jacob Barcelo, Jean-Olivier Chénier, Louis Coursolles et Joseph Beaubien ; Saint-Eustache : Jacques Dubeau (fils), Joseph-Amable Berthelot, Benoit Lefebvre, Alexandre Rochon, Joseph Robin et Joachim Labrosse ; Île Bizard : Jean Paquin ; Lac des Deux-Montagnes : Clet Raizenne.

Comme le mentionne l’abbé Émile Dubois, dans son ouvrage Le feu de la Rivière du Chêne, « l’assemblée n’offre rien d’inquiétant à la sécurité du trône britannique » et n’a en soi rien de bien révolutionnaire. Il faut toutefois noter que plusieurs Canadiens français et Canadiens anglais s’y côtoient. Ceux-là mêmes qui, deux ans plus tard, lors du dépôt des 92 Résolutions, et surtout en 1837 lors des troubles politiques, s’opposeront fermement. Pensons notamment aux Barron et Davis qui s’impliqueront dans la camp constitutionnel et à tous les Chénier, Girouard, Scott, Berthelot, Raizenne, Dubeau et compagnie qui s’afficheront (à divers degrés) comme patriotes. Le journal Le Canadien mentionne notamment dans son édition du 11 juillet 1832 :

Le pays ne peut rester indifférent à ce système d’agiotage et il doit se lever en masse pour détourner l’orage, s’il est possible. On a vu dans nos colonnes de lundi les résolutions adoptées à Saint-Benoît, à une assemblée du comté des Deux-Montagnes. Ces résolutions, qui font beaucoup d’honneur à ceux qui les ont rédigées, présentent un tableau trop vrai des griefs passés, présents, futurs, dont nous avons à nous plaindre au sujet des terres. Nous espérons que les autres comtés du pays ne tarderont pas à se prononcer afin que les représentations, que ne manquera pas de faire la Chambre d’assemblée à sa prochaine session, en aient plus de force auprès des ministres.

Référence :

Le Canadien, 9 et 11 juillet 1832.

Laisser un commentaire