Charles Wand : geôlier des patriotes

Cette semaine, nous traçons le portrait d’un personnage des plus méconnu en 1837-1838. Un personnage dans l’ombre des prisonniers politiques que furent les patriotes de 1837-1838 incarcérés en la prison du Pied-du-Courant à Montréal.

Nous savons peu de choses sur cet autre énigmatique personnage. Né vers 1796, Charles Wand pratique d’abord le métier de plâtrier. Marié à Angelica Brown, sa famille compte une dizaine de membres, tous baptisés à Montréal en l’Église presbytérienne de Saint-Gabriel entre 1819 et 1837, la dernière étant Henrietta née au début de 1837. Après les troubles de 1837-1838, il cède son poste de geôlier de la prison neuve de Montréal à Pierre-Jacques Beaudry et reprend son travail de maçon. Il s’éteint à Montréal le 19 mars 1850 à l’âge de 54 ans. Il est inhumé en ce lieu deux jours plus tard[1].

Durant la période insurrectionnelle, Charles Wand est le geôlier de la prison du Pied-du-Courant à Montréal. Peu d’informations existent à son sujet. Cependant, plusieurs témoignages à son endroit sont éloquents de gratitude. Jean-Philippe Boucher-Belleville affirme que Wand « est un homme fort humain et que sa bonté naturelle tempère ce que son ministère a de dur[2] ». Ignace-Gabriel Chèvrefils, l’un des exilés aux terres australes écrit pour sa part au second geôlier, M. Beaudry, de bien vouloir assurer à M. Wand de sa pleine reconnaissance pour « la manière tendre et charitable avec laquelle [il a été] traité[3] ».

À quelques occasions, l’avocat et président des Fils de la Liberté, André Ouimet, a eu la permission des autorités carcérales d’aller prendre le repas avec le geôlier et sa famille, dans leur appartement. Ce dernier a toujours loué la gentillesse et l’hospitalité de l’individu et aussi de son épouse à l’instar du rôle joué par Mme Émilie Gamelin[4]. Il dit entre autre :

 

À propos du geôlier, M. Wand, je serais ingrat si j’omettais de dire qu’il est l’homme le plus humain, le plus philanthrope, le plus compatissant, le plus doux de tous les hommes, son épouse est digne de lui, leur intéressante famille est digne d’eux. C’est vraiment un trésor qu’une telle famille préposée à la garde d’une prison ! Je doute qu’en aucune maison de détention il se trouve des gardiens aussi dignes d’éloges. Tous ceux qui ont vécu sous eux tiennent le même langage. Bonne et intéressante famille, puisses-tu jouir de tout le bonheur que tu mérites ! Je fais des vœux pour ta postérité. En vérité, ce serait à n’en pas finir, si l’on voulait mentionner toutes leurs bontés et leurs vertus[5].

 

Pour sa part, le Dr Wolfred Nelson abonde dans le même sens. Alors en direction des Bermudes, sa terre d’exil, « à 350 milles des Bermudes » à bord du Vestale, il écrit une lettre à Charles Wand en date du 17 juillet 1838. Il dit notamment :

 

J’ai pu en de nombreuses occasions vous voir exercer vos fonctions, mais si pénibles qu’elles aient été, vous les avez remplies avec résolution et courage et, c’est tout à votre honneur, je dirai, aussi avec humanité et tout le respect qui était dû au sentiment des prisonniers. Selon les membres d’une certaines classes, c’était sans doute une grave erreur de votre part, mais tout homme bon qui exerce l’autorité doit vous applaudir pour avoir adopté cette conduite[6].

 

Ces témoignages confirment que le geôlier des patriotes était de nature plutôt empathique envers les détenus politiques. Wand faisait même certaines commissions personnelles des prisonniers au Pied-du-Courant. Son importance pour le bien-être des insurgés incarcérés est telle que le notaire Jean-Joseph Girouard réalise son portrait à l’instar de ses compagnons d’infortune.

 

RÉFÉRENCES :

BAC, MG 24, B 34, Fonds Nelson, vol. 2 ; 11 ; BAC, MG 24, B 34, Fonds Nelson, vol. 1 : 59-60.

BOUCHER-BELLEVILLE, Jean-Philippe, Journal d’un patriote (1837 et 1838), Montréal, Guérin littérature, introduction et notes par Georges Aubin, 1992, 174 p.

NELSON, Wolfred, Écrits d’un patriote, Montréal, Comeau & Nadeau Éditeurs, édition préparée par Georges Aubin, 1998, 177 p.

OUIMET, André, Journal de prison d’un Fils de la Liberté, Typo, 2006, texte établi, présenté et annoté par Georges Aubin, 157 pages.

 



[1] OUIMET, op. cit., p. 116-117.

[2] BOUCHER-BELLEVILLE, op. cit., p. 126.

[3] OUIMET, op. cit., p. 117.

[4] Ibid., p. 38-39 et 43.

[5] Ibid., p. 33.

[6] BAC, MG 24, B 34, Fonds Nelson, vol. 2 ; 11 et copie dans BAC, MG 24, B 34, Fonds Nelson, vol. 1 : 59-60.

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