Dernière session de la Chambre d’assemblée en 1837

Le quinzième parlement du Bas-Canada siège du 21 février 1835 au 27 mars 1838, alors qu’il est officiellement dissout à la suite de la création du Conseil spécial dans le contexte insurrectionnel. Il faut cependant savoir qu’au moment du déclenchement de la résistance de 1837, la Chambre d’assemblée de la province ne siégeait plus depuis déjà un bon moment ! Revenons un peu en arrière…

À l’été 1837, le gouverneur Gosford en a littéralement plein les bras avec l’ébullition sociopolitique qui s’effectue dans sa province. Après avoir interdit la tenue des assemblées publiques à la mi-juin, il tente désespérément de colmater ses erreurs politiques en re-convoquant la Chambre d’assemblée du Bas-Canada. Le début de la session parlementaire est prévu vendredi, le 18 août 1837.

Dans la région de Montréal, une foule impressionnante vint souligner le départ par bateau de plusieurs députés du district. Aux nombreux applaudissements, s’ajoutaient les cris : « Vive la Représentation du pays ! », « Vive la glorieuse majorité ! », « Le sort de la patrie est dans vos mains[1] ! » Ces derniers arrivent en grand nombre ; plusieurs par bateau, sur les quais de Québec. À ce moment, le mot d’ordre du chef patriote, Louis-Joseph Papineau, est : « Boycottons les produits importés et favorisons nos produits locaux. » Ainsi, plusieurs députés canadiens se pointent à la salle des séances parlementaires, située en l’Hôtel du Parlement (ancien palais épiscopal de Québec), vêtus d’étoffes du pays, de vestes de lin de ceintures fléchées et ce, malgré la chaleur intense de la saison estivale ! Ces derniers se font d’ailleurs pointer du doigt par les députés loyaux vêtus quant à eux d’habits fins importés.

Pour sa part, l’Orateur de la Chambre d’assemblée du Bas-Canada, le charismatique Louis-Joseph Papineau, arrive à Québec, deux jours plus tôt, à bord du bateau à vapeur Canada. Une foule divisée l’accueille alors sur les quais. Il est aussitôt escorté par des partisans qui le conduisent jusqu’à la pension Lemoine où il doit résider. « En se rendant du port à sa maison de pension, quelques bureaucrates auraient menacé de renverser la calèche qui le portait, mais un Irlandais radical menaça, en montrant un pistolet, de tuer le premier qui aurait l’audace de faire une tentative de violence quelconque[2]. »

Le jour d’ouverture de la session parlementaire (18 août), Papineau est littéralement porté en triomphe vers l’Assemblée par environ 2 000 personnes[3]. Selon Étienne Parent, éditeur du Canadien, le leader patriote était escorté d’une « foule immense ». « Jamais, dit-il, l’ouverture du parlement n’excita autant l’intérêt parmi le peuple[4]. »

L’ouverture de l’Assemblée se fit dans le chaos. Gosford fit d’abord la lecture du traditionnel discours du trône. Celui-ci créa évidemment une grande déception et souleva surtout l’indignation des députés patriotes. Aux dires du gouverneur, toute insubordination politique sera dorénavant « l’affaire du gouvernement impérial de Sa Majesté ». Les députés décident de poursuivre leur grève. Le député de Bellechasse, Augustin-Norbert Morin, co-auteur des 92 Résolutions, demande que la Chambre se forme immédiatement en comité afin de délibérer sur l’état de la province. À cela, Gosford répond en annonçant en grand pompe la nomination de sept nouveaux conseillers exécutifs et de 10 nouveaux conseillers législatifs. Le débat est lancé !

Le 21 août 1837, le député du comté de Sherbrooke, Bartholomew Conrad Augustus Gugy, propose que le discours du trône soit envoyé à un comité de cinq membres chargé d’élaborer un « projet d’adresse en réponse ». Cette proposition est évidemment refusée par 67 voix contre 10. Le lendemain, 22 août, Augustin-Norbert Morin présente l’adresse qu’il a rédigée dans les jours précédents. Dans cet écrit historique, et encore peu connu de nos jours, le député de Bellechasse réitère la dangerosité de la mise en application des 10 résolutions Russell.

Le 24 août, Andrew Stuart, député de la Haute-Ville de Québec, propose quant à lui un amendement à l’adresse de Morin. Cette fois encore, celui-ci est rejeté à 58 voix contre 11. En fait, plusieurs amendements furent ensuite passés au vote. Cette journée de débat parlementaire se termina d’ailleurs tard le soir venu. L’un des députés du comté de Beauce, M. Taschereau, proposa une nouvelle adresse qui se voudrait aussi long que celle de Morin, « à peu prêt le même quant au fond, mais un peu radouci dans les termes[5] ». Celle-ci fut aussi rejetée par la majorité réformiste. En vain, la proposition de Morin fut mise aux voix et adoptée par 46 voix contre 31.

Le samedi 26 août, Papineau reçoit, au nom de la Chambre d’assemblée, la réponse du gouverneur Gosford en réponse à l’adresse de celle-ci. On annonça que la Chambre était officiellement prorogée et le parlement dissout jusqu’au 5 octobre prochain. À la suite de cette décision controversée, La Minerve écrit : « Nous attendons un bien immédiat de cette session : c’est que lord Gosford aura, nous l’espérons, la force et la décision de sentir que le plutôt [sic] il quittera, le mieux [ce sera][6] ».

Cette dernière session ne dure en réalité que quelques jours. Par la suite, les événements se bousculeront à un rythme effréné. La mobilisation populaire ne se fera pas attendre…

Références :

BLAIS, Christian, Gilles Gallichan, Frédéric Lemieux et Jocelyn Saint-Pierre, Québec, quatre siècles d’une capitale, Les Éditions du Québec, Gouvernement du Québec, 2008.

La Minerve.

Le Canadien.

Le Libéral.


[1] La Minerve, 17 août 1837.

[2] Ibid., 21 août 1837.

[3] Le Libéral, 18 août 1837.

[4] Le Canadien, 18 août 1837.

[5] La Minerve, 28 août 1837.

[6] Ibid.

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