Papineau empêchera-t-il le déménagement de la statue de Chénier ?

C’est le quotidien La Presse, en date du vendredi 25 avril dernier, qui nous apprend ce revirement de situation dans le projet de déménagement de la statue de Jean-Olivier Chénier à Montréal.

Le projet est déjà connu du public, à savoir la possibilité de déménagement de la statue du chef patriote en raison de l’agrandissement du CHUM au carré Viger. Nous avons déjà abordé ce sujet dans une chronique, à l’automne 2007.

Le journaliste de La Presse, André Noël, titrait « CHUM : difficile de faire fi des volontés de Papineau ». Rien de plus vrai. Il se trouve que le projet de déménagement de la dite statue risque d’être contrecarré par un facteur que les responsables CHUM et les autorités de la Ville de Montréal n’avaient pas encore pris soin d’analyser. En effet, il faut d’abord savoir que le 3 novembre 1818, le célèbre Louis-Joseph Papineau lui-même, alors orateur de la Chambre d’assemblée du Bas-Canada, à la tête de l’importante coalition de députés canadiens-français, ainsi que sa tante, avaient cédé quelques lopins de terre à la municipalité de Montréal « sur 80 pieds même mesure de profondeur de chaque côté de la rue Saint-Denis dernièrement ouverte » afin, selon ce dernier, d’en faire une place « plus spacieuse et plus commode au public ». La statue de Chénier a donc été établie sur ce terrain. Selon Pierre Filion, notaire du Vieux-Montréal, « une donation, c’est comme un testament : c’est sacré. La jurisprudence existe : il est très difficile de passer outre aux volontés d’un donateur, si ses descendants veulent qu’elles s’exercent encore ».

En soi, ce qui semble pourtant à première vue un simple détail pourrait littéralement contrecarrer une importante transaction immobilière impliquant le Centre hospitalier de l’Université de Montréal. Pourtant, de hauts fonctionnaires de la Ville de Montréal avaient assuré aux gens du CHUM qu’ils pourraient bâtir sur le terrain en question. Comme le mentionne La Presse dans son article, « plus d’un demi-million de dollars ont été dépensés en frais professionnels pour ces esquisses », et malgré cela, l’acquisition s’annonce difficile puisque les descendants de l’illustre tribun canadien-français, dont ceux de Henri Bourassa et sa sœur Jeanne, semblent vouloir faire respecter la volonté de leur arrière-arrière-grand-père afin de préserver cette place publique.

Il est à noter toutefois qu’un changement de vocation demeure possible dans ce cas. D’après Me Jean-Pierre Saint-Amour, avocat spécialisé en droit municipal, la Ville de Montréal pourrait en ce sens modifier la vocation de ces terrains en invoquant une disposition du Code civil devant le tribunal. Malgré cet éventuel long et fastidieux processus, « elle ne serait pas sûr de l’emporter ». « Elle pourrait aussi demander à l’Assemblée nationale d’adopter une loi privée. »

Nous demeurons évidemment à l’affût dans ce dossier. Rappelons finalement que le monument a été conçu en 1895 par l’artiste sculpteur américain d’origine allemande Alfonso Pelzer et produit en Ohio. Il est érigé au carré Viger à Montréal, rue Saint-Denis, angle Saint-Antoine.

Supplément de dernière minute

En date du mercredi 7 mai dernier, au moment même ou nous faisions parvenir cette présente chronique, La Presse titrait : « Le CHUM s’incline devant Papineau ». En effet, les autorités ont finalement opté pour agrandir leurs installations en hauteur plutôt qu’en largeur tant et si bien que la statue de Chénier sera préservée en son site du carré Viger. Revirement de situation s’il en est un. On ajoute dans l’article : « Louis-Joseph Papineau a gagné. » En réalité, André Lavallée, responsable de l’aménagement au comité exécutif de la Ville, a indiqué que « le CHUM a informé la Ville de Montréal [en date du 6 mai], par lettre, qu’il voulait revenir au projet initial en ce qui concerne le Centre de recherche ». Bref, une histoire qui se termine bien pour les défenseurs du patrimoine montréalais dont l’architecte Phyllis Lambert.

Références :

La Presse, 25 avril et 7 mai 2008.

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